De orbis Romanus en de linguïstische identiteit van Europa
- Marc Van Uytfanghe
Abstract
L'orbis Romanus a contribué à l'identité linguistique de l'Europe à
plusieurs niveaux. D'abord au niveau de l'“infrastructure”, celle du latin
parlé devenu, au fil des siècles de la “romanisation”, la langue maternelle
de la partie occidentale de l'empire. En Orient grec, son influence a
été très restreinte, mais ailleurs, la Romania (au sens que les romanistes
ont donné à ce terme) dépassait le territoire des langues romanes actuelles
(abstraction faite évidemment de la “Romania nouvelle” issue de
la colonisation moderne). On songera par exemple au latin, puis roman
balkanique.
Les Romains ont développé une dichotomie très prononcée entre le
“bon” latin (classique) et le “mauvais” latin (vulgaire); le christianisme
l'a cependant atténuée. De toute façon, ce n'est que longtemps après la
disparition de l'empire d'Occident et après que d'autres familles linguistiques
(germanique, slave, …) ont dessiné leurs contours, que le latin
parlé s'est scindé, sans discontinuité par ailleurs, en plusieurs langues
(ou groupes de parlers) plus ou moins autonomes. De la sorte, la conscience
de la latinophonie, puis de la romanophonie a été graduellement
supplantée par des identités langagières plus spécifiques. Bien que le
XIXe siècle ait connu la doctrine des “races latines”, la progression victorieuse
de l'anglais dans la seconde moitié du XXe siècle n'a provoqué,
dans les pays “latins”, qu'une réaction molle et vague.
Ensuite au niveau de la “superstructure”, celle du latin médiéval réformé
par les clercs carolingiens (et plus tard par les humanistes), la
langue savante de la respublica litterarum chrétienne dans Europe
évangélisée par l'Église de Rome, y compris donc dans des régions non
romanes. Cette langue “paternelle” et supranationale s'accomodait de
langues maternelles d'origine diverse (celtiques, germaniques, romanes
- là l'affinité génétique a toujours subsisté -, slaves) et générait, pour
l'élite, une identité linguistico-religieuse face à d'autres ensembles culturels
(le monde orthodoxe, le monde arabe). Après la Renaissance, les
langues nationales ont progressivement ébréché la position de ce latin
savant.
Ce dernier n'a toutefois jamais cessé d'alimenter les langues européennes
d'une masse d'emprunts, de calques, de matières littéraires. S'il
est vrai que cet Eurolatein ne construit pas de nouvel orbis Romanus, il
ne perpétue pas moins des disiecta membra de l'antique parler du Latium.
How to Cite:
Van Uytfanghe, M., (2002) “De orbis Romanus en de linguïstische identiteit van Europa”, Handelingen - Koninklijke Zuid-Nederlandse maatschappij voor taal- en letterkunde en geschiedenis 56, 71-103. doi: https://doi.org/10.21825/kzm.v56i0.17587
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